Journée de l'Europe : « Retrouvons l'idée que nous avons, ensemble, un destin commun »
Marielle de Sarnez, députée européenne, était ce lundi 9 mai l'invitée de la matinale de RFI. La vice-présidente du MoDem a plaidé pour que l'Europe retrouve un "destin commun" et renoue avec un "humanisme européen".
Journée de l'Europe : « Retrouvons l'idée que nous avons, ensemble, un destin commun »
Frédéric Rivière (RFI) : C'est la journée de l'Europe, comme tous les ans le 9 mai. Si vous étiez médecin, quel bilan de santé dresseriez-vous de l'Europe ?
Marielle de Sarnez : Je dirais que nous sommes dans un moment paradoxal. Nous voyons bien que le fonctionnement de l'Europe ne va pas, et en même temps nous n'avons jamais eu autant besoin d'une réponse européenne aux différents défis qui sont devant nous.
Ça, c'est ce que disent les Européens convaincus... Quand ça ne va pas, il faut plus d'Europe.
Pas plus ! Il faut mieux d'Europe. Vous savez, c'est rare que je cite le Pape François mais il a fait un grand discours sur l'Europe, que j'invite les auditeurs à aller regarder, à l'occasion du prix Charlemagne qu'il a reçu vendredi. Il a dit qu'il fallait un changement radical, qu'il fallait retrouver une âme – je dirais même retrouver un idéal européen. C'est la vérité. Il faut renouer avec un humanisme européen, il a raison.
Il ne faut pas seulement une refondation. Bien sûr, on peut reparler zone Euro, intégration... mais tout ça ce sont des mécanismes. A un moment, il faut peut-être laisser les mécanismes de côté et essayer de retrouver ce qui fait la substance essentielle de l'Europe, c'est-à-dire cette idée que nous avons que, ensemble, nous avons un destin commun.
Retrouver le moyen, aussi de faire aimer l'Europe aux Européens ?
Oui, c'est très important. Il y a un besoin d'Europe. On le ressent quand on pose la question, on voit bien que l'Europe devrait pouvoir répondre aux principales questions, comme celle des réfugiés par exemple. En même temps, on voit qu'il n'y a pas de lien de confiance. Pour une raison simple : il n'y a pas de démocratie européenne véritable. Les citoyens n'ont pas le sentiment de pouvoir peser sur les directions que prennent l'Europe, sur la politique européenne. Je pense que ceux qui portent une part de responsabilité extrêmement importante, ce sont les chefs d'Etat et de gouvernement qui pour les uns sont dans les égoïsmes nationaux, pour les autres décident à la place des autres. Pourtant c'est à eux d'assumer d'assumer cette histoire européenne, cette idée européenne.
Je prends un exemple, quand François Hollande donne mandat à la Commission pour aller négocier avec les Etats-Unis sur le traité transatlantique sans en parler au préalable en France, sans avoir saisi l'opinion publique française, sans proposer d'en débattre d'abord chez nous, il porte une part de responsabilité importante. Et son prédécesseur c'était la même chose. Donc il va falloir une transformation radicale de ce point de vue là, et pour cela je crains qu'il aille attendre probablement les prochaines élections présidentielles en France.
Grèce : « Ce n'est pas avec de nouvelles saignées que l'on redonnera des perspectives au peuple grec »
Le Parlement grec a adopté hier une nouvelle série de mesures réclamées par ses créanciers, dont l'Europe en particulier : baisse des pensions de retraite, abaissement du seuil de revenus à partir duquel on devient imposable. Des milliers de personnes avaient manifesté auparavant pour dénoncer ces nouvelles mesures d'austérité. On a quand même l'impression que ça ne s'arrêtera jamais en Grèce, qu'il faudra toujours une nouvelle saignée.
Ce n'est pas avec une nouvelle saignée que l'on va régler la question en Grèce. Je le dis depuis six ans et je continue de le dire, ce n'est pas une bonne politique. Alors, est-ce que les Grecs ont une responsabilité dans ce qu'il se passe ? Oui, il n'y a pas d'Etat grec, on voit bien que c'est compliqué, je ne vais pas refaire l'histoire du cadastre, des impôts que l'Eglise ne paye pas, que les armateurs ne payent pas, on connaît tout ça maintenant...
Mais enfin, ce n'est pas uniquement comme ça, avec ce type de mesures, que l'on y arrive. On devrait se poser la question de savoir comment on aide à l'activité économique en Grèce, quelles perspectives on donne en Grèce, avec évidemment des réformes qui devront aller ensemble. Mais on ne peut pas faire d'un côté ce que l'on appelle « l'austérité » tous les jours sur les pensions, sur les retraites, sur les salaires, sans donner aucune perspective à un peuple. Ce n'est pas possible, ce n'est pas tenable.
C'est une faute de l'Europe ? Qui agit strictement en comptable, en liquidateur judiciaire ?
Oui, c'est une co-responsabilité européenne. Il y a une deuxième erreur pour moi qui est une erreur depuis le début, c'est d'avoir mis le FMI dans le coup. L'Europe aurait dû pouvoir régler cette question grecque sans faire appel au FMI. Le paradoxe, c'est qu'aujourd'hui le FMI d'un côté demande des mesures additionnelles – je pense que ça, ça ne va pas – et de l'autre côté dit des choses justes en défendant le fait qu'il faille renégocier une partie de la dette. Evidemment ! On prête pour que les Grecs puissent rembourser : ce n'est pas comme cela qu'ils font des réformes et ce n'est pas comme cela qu'ils trouvent des perspectives.
Crise des réfugiés : « Le mécanisme de sanction financière proposé par la Commission n'est pas une bonne idée »
Êtes-vous favorable au mécanisme de sanction financière proposé il y a quelques jours par la Commission européenne pour les pays qui ne respectent pas les quotas d'accueil de migrants ? 250K€ par migrant non accueilli.
Je ne trouve pas ça crédible. La Commission ne propose pas une bonne politique avec ce type de mesures. Il faut évidemment une solidarité, mais il faut reprendre les choses en amont. On voit bien que l'Europe a loupé le coche là-dessus. Cela fait des années que l'on a cette guerre en Syrie, cinq ans. Je suis allée dans les camps, en Turquie, en Jordanie, au Liban, il y a trois ans, il y a quatre ans... La question des réfugiés n'est pas arrivée comme ça du jour au lendemain l'année dernière. Cela fait cinq ans qu'elle est là, l'Europe a été incapable de la regarder en face, de se doter d'une politique commune d'asile et d'assumer.
Il fallait que l'on dise « Oui, nous sommes prêts à recevoir une partie des réfugiés syriens. Faisons-le par des voies légales, organisons-le, allons dans les camps, faisons en sorte que les demandes de visas se passent dans les camps de réfugiés – après, on répond favorablement ou négativement – et, en même temps, contrôlons nos frontières. »
Bref, nous n'avons pas eu de politique et de réponse communes, c'est cela qu'il fallait. Aujourd'hui, la Commission arrive avec ses idées qui ne sont pas de bonnes idées.
Est-ce qu'Angela Merkel n'a pas forcé la main des autres Européens en ouvrant grand ses frontières ?
Si, elle a forcé la main. Je pense qu'il n'aurait pas fallu le faire comme ça. Avant l'été, elle a dit « on ne reçoit personne » et après l'été, elle a dit « on reçoit tout le monde». Je pense qu'il aurait fallu une réponse plus équilibrée. Et en même temps, je vous le dis comme je le pense, comme citoyenne, elle a quand même sauvé en grande partie l'honneur de l'Union européenne. Au moins, elle a compris qu'il y avait un enjeu, mais si je pense qu'il ne fallait pas le gérer de cette façon-là. Si vous laissez faire sans organiser, sans réguler, vous êtes très vite débordés, c'est ce qu'il s'est passé. Vous ne pouvez pas intégrer comme ça des dizaines de milliers de personnes en même temps, vous êtes obligés de le faire de façon organisée. Ça n'a pas été le cas, c'est dommage.
Présidentielles 2017 : « Deux exigences : rassemblement et changement de la manière de gouverner »
Un petit mot de la présidentielle de 2017 : François Bayrou est toujours dans l'attente de ce qu'il va se passer à la primaire de la droite pour se déterminer ?
Je pense que 2017 est une échéance fondamentale pour la France parce que c'est aussi une échéance fondamentale pour l'Europe et pour le monde. On voit qu'avec tout ce qu'il se passe aujourd'hui en France et en Europe, on a besoin d'une présidence de la République forte, on a besoin de redresser le pays. C'est pourquoi, avec François Bayrou, nous soutenons Alain Juppé. C'est rare, un homme politique de premier plan, crédité de 13 à 15% dans les sondages, qui dit qu'il soutient quelqu'un qui n'est pas de sa famille politique.
Je pense qu'Alain Juppé peut y arriver parce qu'il a posé depuis le début qu'il serait un candidat de rassemblement. C'est-à-dire qu'il ne serait pas un président de la République, s'il était choisi aux primaires et s'il était élu, partisan. Je pense que c'est ça qui est très important pour l'avenir.
Si Alain Juppé ne l'emportait pas, François Bayrou serait candidat ? Mais, du coup, sans grande détermination ?
Si Alain Juppé ne l'emportait pas, nous l'avons dit depuis le premier jour, nous serons libres. Mais donnons crédit à François Bayrou de soutenir quelqu'un qui n'est pas forcément de sa famille politique, c'est rare ! Nous devrons, nous, avec François Bayrou, porter deux exigences : cette exigence de rassemblement, parce que c'est comme cela que l'on redressera le pays, et une exigence de changement profond dans la manière de gouverner le pays.