"Je suis persuadé que la France a besoin d’une alternance franche et à base large"

Invité de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1, François Bayrou a affirmé qu'il était un leurre de penser "construire le redressement de la France" en s'appuyant uniquement sur le soutien "d’un tout petit nombre de militants", parfois "extrêmement agressifs", tout en ayant contre soi "l'extrême-droite et la gauche".


François Bayrou, bonjour.

Bonjour.

Euro 2016 après-demain, fan-zones, concerts dès demain soir, qui osera vraiment bloquer les trains et gâcher la fête ? Pour les avions on le sait, les pilotes d’Air France choisissent la grève du 11 au 14 juin en plein Euro. Comment cela s’appelle-t-il ?

Cela s’appelle inacceptable. On a très largement aujourd’hui dans l’opinion un sentiment d’abus de pouvoir : abus parce que l’on tient des positions clés dans les transports, dans l’aviation. On impose par ce moyen de pression ses propres vues concernant ses propres intérêts sur l’ensemble du pays et de son organisation. On était parti d’un mouvement général sur la loi Travail et on se retrouve sur un mouvement sur des intérêts particuliers de ces salariés de ces grandes entreprises. On a glissé, on a abandonné l’intérêt général pour des intérêts particuliers et ceci paraît absolument inacceptable. Il y a une deuxième chose : le gouvernement a lâché le président de la SNCF. Il avait mis sur pied un plan pour améliorer les conditions de l’entreprise, pour faire qu’elles ne soient plus aussi en difficultés financières et puis le pouvoir a donné instruction au président de la SCNF d’abandonner les propositions qu’il faisait et qui avaient été acceptées par nombre de syndicats.

Depuis trois mois, Philippe Martinez se pose en vrai opposant politique, il ne parvient pas à sortir des grèves. En ce moment, on voit bien que la CGT hésite, qu’elle s’en remet aux assemblées générales, Philippe Martinez est en pleine démonstration de faiblesse, est-ce que vous comprenez la stratégie de la CGT aujourd’hui ?

Non, je ne vois pas le chemin stratégique qui a été choisi. Quand on s’engage dans une stratégie, il faut avoir une idée de sa sortie. Et c’est cette sortie qui aujourd’hui n’apparaît plus sauf à prendre les Français en otage pour faire levier sur les pouvoirs et ceci est purement et simplement inacceptable dans la période que nous vivons.

Est-ce que vous demandez à votre tour la fin de cette grève ? 

Je demande - comme tous les Français le demandent et exigent car ils sont profondément indignés - le retour à une situation normale qui soit celle où l’on ne prend pas les Français dans des moments absolument cruciaux - inondations, Euro - et où on ne voit pas que ces intérêts particuliers alors que l’intérêt général est gravement menacé.

Vous êtes un proche et un fidèle d’Alain Juppé. Comment répondez-vous à la question posée ce matin par le journal L’Opinion : « Alain Juppé peut-il perdre ? ».

Alain Juppé se présente à une primaire et vous savez bien que je n’ai jamais été un fan des primaires.

A-t-il eu tort ?

Non, il a fait son choix. J’en ai longuement parlé avec lui, j’ai essayé de le convaincre de prendre un autre chemin. Il a une confiance très grande dans cette idée que vont venir voter des gens qui ne sont pas seulement des militants avec des positions les plus durs et les plus sectaires. Il pense que l’ouverture du corps électoral, de ceux qui vont venir voter, peut assurer le succès à des positions plus raisonnables, modérées, qui permettront de sortir le pays des difficultés. 

Est-ce qu’il a raison de le croire ?

Oui, je pense que s’il a fait ce choix, bien entendu il a raison de le croire.

Est-ce qu’il faut, comme le dit L’Opinion, qu’il fasse quelques corrections à son image et à son message ?

Je pense qu’il a une image solide, construite. Je pense qu’il a les moyens politiques de sortir le pays des difficultés, maintenant il faut qu’il réussisse à passer cet obstacle, qui pour moi n’est pas un obstacle évident. Il suffit de voir les primaires américaines à droite dans le parti républicain, c’est Donald Trump qui a été choisi.

Nicolas Sarkozy, est-ce Donald Trump ?

Non, je ne dis pas cela, bien que Nicolas Sarkozy fasse très souvent cette référence. Il dit régulièrement « regardez les primaires américaines, ça va se passer comme cela en France ».

Aujourd’hui, Alain Juppé est le favori des sondages, est-ce que vous confirmez que s’il échoue à battre Nicolas Sarkozy dans la campagne de la primaire, alors vous serez candidat pour l’Elysée sans passer par une primaire ?

Moi, je n'ai pas besoin de passer par des primaires, j’appartiens à un courant politique indépendant et original et j’ai le soutien d’un très grand nombre de Français. Vous avez vu les enquêtes d’opinion qui sont assez hautes, entre 14 % et 16 % des voix.

Alors pourquoi ne vous présentez-vous pas vous-même ?

Je pense qu’en ce moment, nous avons besoin de rassemblement. La candidature d’Alain Juppé offre une chance à ce rassemblement.

Et si cela ne se produit pas ?

Si ça ne se produit pas, je prendrai mes responsabilités. Je vous confirme que je viendrai vous voir pour vous dire ma décision au micro d’Europe 1 (rires).

Le pays demande de l’ordre, de la sécurité, de l’autorité avec une sorte de tentation droitière. Est-ce que l’heure est au candidat modéré ?

Je suis persuadé que la France a besoin d’une alternance franche et à base large. L’idée que l'on pourrait construire une alternance et redresser la France en ayant le soutien d’un tout petit nombre de militants ou de gens qui sont extrêmement agressifs, en ayant contre soi l’extrême droite, la gauche, et plus largement les Français qui veulent du rassemblement et de l’apaisement, est un leurre. J’affirme qu’il faut une alternance car il faut sortir de la situation dans laquelle nous sommes depuis dix ans, pas depuis cinq ans.

Mettez-vous Nicolas Sarkozy et François Hollande dans le même sac ?

Non, je ne veux pas employer de mots blessants. Je dis simplement qu’il faut regarder la courbe du chômage : nous avons un million de chômeurs en plus depuis un an et un million en plus sur les cinq ans précédents. La courbe du chômage, du commerce extérieur, etc., tout va dans le même sens !

Ferez-vous tout pour éviter une victoire de Nicolas Sarkozy ?

Je n’ai absolument pas prononcé ce nom, je ne suis pas obsédé par Nicolas Sarkozy, au contraire de ce que parfois il a l’air de croire.

Ou bien c'est Alain Juppé, ou bien vous y allez, pour pouvoir empêcher l’autre candidat de gagner ?

Je ferai tout pour éviter que se réédite le duel que l’on a vécu en 2012 et que l’on avait rencontré auparavant. Je ferai tout pour éviter que la France n’est le choix qu’entre deux solutions qui sont profondément insatisfaisantes. 

Est-ce François Hollande et celui dont vous ne voulez pas donner le nom ? Nicolas Sarkozy ?

Je ne suis pas. Je ne veux pas rentrer dans ce genre de jeu. Je vous dis, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir et de ma responsabilité pour éviter que l’on se retrouve dans ce choix qui est un choix délétère. Après les électeurs tranchent. 

Pour ce soir, on annonce un discours solennel de Nicolas Sarkozy, la droite des valeurs, la fierté de la France, la fierté d’être français... Il est persuadé que la question identitaire sera au coeur de la primaire et de 2017. Pensez-vous comme lui ?

Je crois que la question identitaire est une question très importante. Les peuples confrontés à la mondialisation y sont pris d’un sentiment de trouble profond parce que les inégalités ne cessent de croître et que c’est cela le modèle devant lequel on est : le modèle des inégalités. Ils ont besoin qu’on leur rappelle ce qu’ils sont, ce dont ils doivent être fiers et ce que l’on peut construire ensemble.

Gérard Darmanin, dans un plaidoyer très intéressant sur l’islam français, dit : « aujourd’hui le salafisme gangrène les milieux les plus modérés, la France couve les prémices d’une possible guerre civile ». 

Oui, je sais bien qu’il y a des gens qui veulent toujours présenter les choses comme si on était au bord d’une guerre de religions.

Il s’y connaît lui, il est bien placé. 

Je le suis aussi. Je suis persuadé qu’au contraire, on peut construire un pays dans lequel on peut vivre ensemble, chacun en exerçant sa conscience et sa croyance tout en respectant le modèle français.

L’identité heureuse. Merci… 

Je n’ai pas dit l’identité heureuse, je n’emploie pas des mots qui sont les mots des autres. Mais je vous dis qu’on peut construire quelque chose qui soit une maison dans laquelle nous serons bien, chacun comme nous sommes mais vivant ensemble et pas dans des communautés séparées. 

Merci François Bayrou. 

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