"En politique, c’est l’authenticité qui compte"

S’il supporte Alain Juppé, François Bayrou se pose en rassembleur pour la présidentielle de 2017 et assure qu’il n’abandonnera pas la ville de Pau.
Vous soutenez Alain Juppé mais n'irez pas voter pour lui aux primaires. Pourquoi ?
Alain Juppé est le mieux placé de ceux qui veulent un changement pour le pays, en même temps qu’un rassemblement pour l’obtenir. Et puis, j’ai confiance en lui. C’est un homme fiable. En revanche, j’ai le plus grand doute sur le mécanisme des primaires. Il a donné Trump aux États-Unis.
Mais vous encouragez vos amis et militants du MoDem à voter Juppé ?
Bien sûr, je recommande à tous ceux, et ils sont nombreux, qui partagent mon sentiment sur Alain Juppé de l’aider à l’emporter.
Malgré l’entrée en campagne de Sarkozy, Juppé est toujours en tête dans les sondages. Êtes-vous plus optimiste aujourd’hui sur ses chances de l’emporter ?
Oui, je crois qu’Alain Juppé peut l’emporter. Il me semble que le début de campagne de Nicolas Sarkozy n’a pas créé la vague annoncée. Beaucoup de Français voient bien qu’au fond, il n’a pas changé. Ils ont gardé un mauvais souvenir de sa manière d’exercer le pouvoir. Et beaucoup font le constat qu’Alain Juppé est le mieux placé pour empêcher la réédition de la candidature de Nicolas Sarkozy.
Alain Juppé fait-il une bonne campagne ?
Sa campagne est en cohérence avec son style, ses idées et sa nature profonde. En ce sens, elle est une campagne authentique, et en politique, c’est l’authenticité qui compte.
Le maire de Bordeaux annonce qu’il soutiendra Nicolas Sarkozy s’il l’emporte, et pas vous…
C’est la logique de la primaire que tous ceux qui y sont candidats soutiennent officiellement le vainqueur. C’est précisément pourquoi je n’y participe pas. Je suis libre et je veux le rester.
Peut-on être à la fois candidat à la présidentielle et mis en examen ?
J’ai publié en 2009 un livre sans concession sur la manière dont Nicolas Sarkozy exerçait ses fonctions. Il s’intitulait « Abus de pouvoir ». Deux choses essentielles nous séparent. La première est son goût pour dresser tous les catégories de Français les unes contre les autres. La seconde est qu’il se comporte comme si le pouvoir n’avait pas de règle, comme si la loi qui s’applique aux puissants n’est pas la même que celle qui s’applique aux citoyens ordinaires. Vous connaissez les combats que j’ai menés sur l’affaire Tapie, qui est en fait une affaire d’État. Il y a également le non-respect des règles de campagne électorale. Ce sont deux faits assez graves pour que la justice s’y intéresse. Je ne connais pas d’autre démocratie au monde où pareils faits pourraient passer pour anodins !
Mais Alain Juppé aussi a été mis en examen ?
Tout le monde sait bien qu’il a payé pour d’autres. Et il l’a fait avec suffisamment de panache. Il a quitté la politique pendant un certain temps. Dans son attitude, il y a eu de l’honneur, et pour moi, l’honneur ça compte.
Le MoDem a-t-il les moyens, le cas échéant, de financer une campagne présidentielle ?
Il n’y a aucun doute. Nous avons eu une gestion prudente au travers du temps. Nous n’avons aucune dette et un patrimoine suffisant pour avoir la garantie et la surface financière d’une campagne nationale. J’y ai veillé tout au long de ma vie, car il est essentiel d’avoir les moyens de faire passer son message.
D’où viennent les recettes ?
Elles sont définies par les scores aux législatives, les cotisations des élus, celles des militants… Et nous, nous n’avons pas de micropartis. Nous sommes transparents.
Avec Robert Rochefort et Jean Lassalle, voilà le MoDem avec deux vice-présidents en moins. Est-ce un coup dur ?
L’affaire Rochefort a été un choc : on découvre que l’on ne connaît jamais les gens et leurs faiblesses. Mais ces faiblesses étaient incompatibles avec la responsabilité politique. Au sein de l’équipe des vice-présidents, j’ai nommé Yann Wehrling, un responsable jeune et brillant, très reconnu dans la défense de l’environnement.
Et pour Jean Lassalle ? Il affirme que vous devriez le rejoindre…
Je ne dirai pas un mot sur une aventure qui ne peut que mal finir.
Pourquoi ce silence ?
À cause de l’idée qui est la mienne de la loyauté et de la crédibilité politique.
Une candidature d’Emmanuel Macron rendrait-elle la vôtre caduque ?
C’est une tentative à laquelle je ne crois pas, et dont je ne partage nullement les buts : pour moi, et je crois pour l’immense majorité des Français, l’État doit être impérativement séparé des milieux d’affaires, des intérêts privés qui certes donnent les moyens d’organiser un battage médiatique, mais dont les Français n’accepteront pas la prééminence. Certains ne le voient pas encore, sans doute. Mais cela se découvrira en peu de temps. La séparation que j’exige entre le monde de l’argent et l’État est pour moi aussi importante que celle de la religion et de l’État.
Si jamais vous êtes candidat, à qui confierez-vous les commandes de la Ville de Pau ?
À François Bayrou. Je n’ai jamais cessé une seule minute d’exercer mes fonctions de maire et je ne cesserai pas. J’ai une équipe capable et très rodée. Je soutiens Juppé, mais s’il fallait… Si une telle circonstance se produisait, ce qui n’est pas mon choix, je continuerais à être maire de Pau.