Brexit : "Plus rien ne sera comme avant et en tout état de cause, il faudra que nous assumions !"

François Bayrou a estimé ce soir sur i>Télé que l'hypothèse d'un Brexit à l'issue du référendum de jeudi était "dangereuse d'abord pour la Grande-Bretagne" car l'UE "se débrouillera", même si son "fonctionnement ne sera plus jamais comme avant".

Bonsoir Monsieur Bayrou.

Bonsoir.

Le bras de fer continue entre l’exécutif et les syndicats, avec cette possibilité de manifestations statique, le 23 juin. La situation est confuse, néanmoins est-ce une bonne idée cette proposition de manifestation statique pour dire non à la loi Travail ?

Ce n’est pas moi qui vais vous apprendre l’actualité. La décision semble-t-il a été prise : il s'agirait d'un défilé comme d’habitude, ce qui en effet pose la question de pourquoi avoir fait une telle mise en scène, un tel affrontement verbal : "vous faites une manifestation où vous ne bougez pas", "un regroupement statique où vous ne marchez pas", pour au bout du compte arriver à la décision d’une manifestation.

Alors, la préfecture de police a démenti l’information qui voulait que le défilé soit autorisé. Je vous dis que la situation est extrêmement confuse, nous sommes vraiment dans de l’intox.

(Rires) Là vous m'en apprenez chaque minute.

Nous sommes dans de l’intox des deux côtés. Cette situation est-elle inextricable ou non ?

Il y a une situation qui est inextricable parce que vous voyez bien qu’il y a un affrontement qui est sur le point d’aller jusqu’au bout mais on ne sait pas où l’issue se trouvera. Oui, c’est une situation inextricable, c’est une situation dangereuse. Le gouvernement, s'il autorisait la manifestation comme cela a été annoncé, cela veut dire qu’il est responsable de l’ordre public. C’est sa mission. Je ne dis pas que les syndicats n’ont pas de responsabilité mais c’est le gouvernement qui a la mission de l’ordre public et de ce point de vue, les Français ne supporteraient pas que des scènes comme celles que l'on a déjà vues se reproduisent. Le gouvernement a la une lourde responsabilité. Il a laissé se créer une situation, en trouver l’issue est maintenant de sa responsabilité. 

Est-ce que le démocrate que vous êtes supporte l’idée que l’on interdise une manifestation syndicale dans notre pays ?

Ce n’est pas un moment ordinaire. Nous sommes en état de siège. Les forces de l’ordre sont harassées, sont écrasées de travail, de fatigue aussi, de tensions, de stress. L’état de siège, cela n’est pas un moment ordinaire. Bien sûr que le droit de manifester existe dans notre pays, cela fait partie de la Constitution, de nos institutions. Mais quand il y a des menaces aussi lourdes que celles que nous connaissons tous les jours depuis les attentats, et que nous sommes en plein milieu de l’Euro avec tous les risques que les fan zones font courir, tout cela justifie que l’on demande un effort aux organisations syndicales en disant "s’il vous plaît, en ce moment n’ajoutez pas du risque au risque". Cela n’est pas pour moi une atteinte au droit de manifester, c’est simplement une précaution qu’il est nécessaire de prendre parce que je vous assure qu’il y a parmi les Français un degré d’exaspération qui est très important, fondé sur le fait qu’ils ont l’impression que plus personne ne tient à rien. Quand vous avez mille casseurs, filmés donc j’imagine identifiés pour un grand nombre, en tête de manifestation qui cassent, qu’est-ce que cela à avoir avec la loi Travail ? Cela à juste avoir avec la volonté de détruire. Je veux exprimer cette exigence qu’en état de siège, le gouvernement doit faire face à ses responsabilités. 

Nicolas Sarkozy dit l’inverse de vous puisqu’il estime qu’il ne serait pas raisonnable que le gouvernement interdise cette manifestation syndicale.

Nous voilà sur des positions différentes, par ailleurs je n’ai pas dit "interdise"… Après tout, si le gouvernement disait "on a assez de problèmes sur les bras, notre pays est devant des menaces considérables dont chaque jour montre qu'elles ne sont pas surestimées mais qu’au contraire elles sont extrêmement présentes", je pense que cela justifie un effort de la part de tout le monde une recherche de formes d’expression différentes.

Est-ce que vous êtes d’accord pour faire participer financièrement les syndicats qui ont organisé les précédentes manifestations au financement des dégâts ? Je pense à l’hôpital Necker par exemple.

S'il y a des dégâts, que les organisateurs de la manifestation ont de manière évidente négligé d'arrêter, il est normal qu’ils participent financièrement. 

Au-delà du 23 juin, que faut-il faire pour résoudre la crise qui s’est nouée autour de la loi Travail ? Le Parlement s’en saisit en ce moment, la loi est au Sénat, elle reviendra devant l’Assemblée nationale en juillet. Quelle est la bonne solution pour le gouvernement ?

Il n’y a pas de bonne solution. 

Il n’y a que des mauvaises solutions.

Il n’y a que des mauvaises solutions. C’est une loi qui est illisible, qui fait plus de 150 pages, le seul article II fait 51 pages, je ne sais pas si on se rend compte. L’article d’une loi fait 51 pages. Impossible à lire. Impossible à suivre la question de la part des citoyens. Avec plusieurs choix, qui sont des choix pour les uns acceptables, pour les autres qui ne le sont pas. C’est une loi qui n’a pas été préparée comme il le fallait et nous sommes maintenant dans une impasse. Le gouvernement ne peut pas reculer, parce que s'il recule, il perd la face et est obligé de démissionner. La CGT, les syndicats hostiles, ne peuvent lâcher parce qu’autrement ils perdent la face devant leurs mandants et dans les rapports de force intérieurs cela n’est pas simple. Je crois qu’il n’y a pas de bonne solution. C’est pourquoi j’ai toujours manifesté plutôt de l’inquiétude à propos de l’issue de cette crise. Cela apparaît totalement disproportionné par rapport à l’enjeu qu’on ne saisit pas très bien. Mais c’est un moment critique. C’est là que se trace, qu’apparaît la fracture au sens sismique du terme - au sens du tremblement de terre - entre les deux gauches qui sont désormais en guerre ouverte. 

Les Français ne s’y trompent pas, ils souhaitent toujours majoritairement le retrait de cette loi Travail, ils n'en voient pas l'intérêt.

Ce sont des phénomènes d’opinion.

Ils sont assez durables.  

Oui c’est durable, mais ce n’est pas non plus une vague ! Je suis maire d’une ville importante, Pau est une ville importante avec un caractère très démocratique, passionnel : dans la rue on ne m’a jamais parlé de la loi Travail et pourtant je rencontre mes concitoyens, de manière non seulement régulière mais assidue. Je ne crois pas que cela fasse l’objet de conversations dans le cercle familial ou amical. On a cette espèce de découplage incroyable entre des incidents et les risques des manifestations - qui ne faiblissent pas – et de l’autre l’opinion qui regarde ça avec une grande distance. C’est un mauvais signe démocratique. Lorsque vous avez un débat qui se noue en dehors de l’opinion, c’est un mauvais signe. C’est un mauvais signal en période dangereuse comme celle-ci. Nous sommes mal gouvernés. On ne peut pas continuer à gouverner ainsi, dans une espèce d’affrontement perpétuel simplement parce que le travail d’élaboration n’a pas été fait.

Dans les sondages, les résultats sont catastrophiques pour Manuel Valls et François Hollande. On a appris qu’une primaire de la gauche serait organisée en 2017. Est-ce que vous pensez que François Hollande a encore la capacité d’être candidat à sa succession ?

Je pense qu’il ne peut pas faire autrement que de briguer cette candidature. Je pense qu’il n’a pas pu faire autrement que d’accepter cette primaire. Il aurait bien voulu l’éviter mais il s’est rendu compte qu’il n’avait plus de légitimité. Je pense qu’il se présentera à la primaire, autrement c’est l’aveu d’échec de la gauche. Cela lui permet d’attendre le mois de janvier pour se retrouver dans une situation où l’opinion sera meilleure à mon avis.

C’est un affaiblissement des institutions de la Vème République ?

Les primaires sont pour moi un affaiblissement des institutions. Les institutions de la Vème République, c’est une élection à deux tours dans laquelle des candidats se présentent comme il m’est déjà arrivé de le faire. C’est une élection très enthousiasmante. À mes yeux, c’est la seule élection sérieuse, c’est pourquoi la multiplication des candidatures n’a aucun avenir. Il y a deux élections sérieuses : l’élection du maire - on choisit qui va conduire la cité - et l’élection présidentielle, car on choisit à qui on va confier le destin de nos enfants. La primaire est dangereuse car elle remet au parti le choix du candidat à l’élection présidentielle. La Vème République, le gaullisme, était : on enlève le droit de désigner les candidats aux partis, on le donne au peuple souverain dans son ensemble. C’est pourquoi c’est un choix dangereux, que je n’ai pas fait et que j’ai recommandé à Alain Juppé de ne pas faire. Il a fait un autre choix, j’espère qu’il gagnera son pari. Au final que va-t-il rester ? Un mandat c’est cinq ans, un an avant nous étions en campagne et avec la primaire nous allons être en campagne deux ans avant. On ne peut pas gouverner comme ça, c’est une précarité destructrice de la volonté politique, du sens de l’État et du sens des institutions.

Dans les sondages, Nicolas Sarkozy rattrape son retard sur Alain Juppé, si cette chute du maire de Bordeaux devait se confirmer…

Je ne suis pas sûr que ce soit une chute !

Un inversement : la tendance de resserre. Vous nous confirmez que s’il est battu à cette primaire, vous serez candidat ?

Je n’ai qu’une parole, c’est simple ! Si Alain Juppé est choisi, je le soutiendrai. Sinon je ferai les choix que je dois faire.

Nicolas Sarkozy se réjouirait de votre candidature, selon lui vous êtes tellement marqué à gauche que vous prendriez des voix à François Hollande !

Il a un sens assez large de la malédiction de la gauche. Il devrait se souvenir que le mot "républicain", pendant 150 ans en France, était la gauche. Même si tout le monde l’oublie, je me souviens que Nicolas Sarkozy citait, à une époque, Jaurès et Blum à tous les paragraphes de ses discours. Il faut lui rappeler qu’en France, on peut être de droite, du centre ou de gauche, mais on est Français avant tout. Nous sommes d’abord des citoyens. Aujourd’hui, les citoyens se font beaucoup de soucis sur ces ruptures qui font que personne ne peut gouverner le pays parce que l'on continue à accumuler les divisions.

François Bayrou, vous êtes un européen convaincu, nous sommes à deux jours du référendum en Grande-Bretagne sur la sortie ou non de l’Union européenne. Des grandes entreprises françaises aujourd’hui ont lancé un appel au Royaume qui est désuni. Que pensez-vous de cette situation extrêmement dangereuse pour toute l’Union ?

C'est extrêmement dangereux je crois d'abord pour la Grande-Bretagne, pour les Anglais eux-mêmes ! L'Union européenne se débrouillera si jamais le choix britannique est celui de la sortie de l'Union : il nous reviendra de faire l'Union avec le noyau de ceux qui l'ont toujours voulue. C'est évident que cela exige des changements profonds et que l'Union européenne dans son fonctionnement ne sera plus jamais comme avant.

Quel que soit le résultat ?
 
D'une certaine manière, il est bien que l'on se trouve devant un obstacle qui nous oblige à nous poser la question de ce que nous sommes, de ce que nous voulons, de comment nous prenons nos décisions, de pourquoi nous avons les peuples en lisière éloignés des décisions. C'est utile, c'est le moment où jamais ! Plus rien ne sera comme avant et en tout état de cause il faudra que nous assumions !
 
Faut-il une refondation de l'Europe ?
 
Il faut une refondation de l'Europe en pensant que ce n'est pas une technocratie mais une démocratie, ce que les chefs de gouvernement ont oublié depuis longtemps en croyant que la question européenne se jouait entre eux ! Et il n'est pas vrai que la question européenne se joue entre eux ! Elle se joue entre vous, nous, les citoyens et les chefs d'État et de gouvernement ont le devoir, l'obligation, de nous rendre compte de ce qu'ils pensent et de ce qu'ils font. Le silence, l'obscurité, l'opacité dans lesquels ils s'enferment sont une manière de saper l'Union européenne. C'est pour cela que l'on en est là aujourd'hui. Notre devoir est clair : reconstruire. C'est toujours bien de reconstruire plutôt que de laisser se déliter les choses.
 
Merci François Bayrou.

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