Brexit : "Nous ne pouvons plus faire l'Europe sans les peuples !"

Marielle_de_Sarnez-MDS

Marielle de Sarnez était ce matin l'invitée de LCI pour réagir au résultat du référendum britannique. La députée européenne a alerté sur les lourdes conséquences qu'aura la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne et a appelé à construire une troisième voie européenne, plus politique que technocratique.

Faut-il un référendum en France ?

Permettez-moi de dire une chose d’abord, je reviendrai ensuite au référendum parce que c’est une vraie question. La première chose c’est que ce qui a été décidé aujourd’hui par les Britanniques va avoir des conséquences extrêmement lourdes, en chaîne, que personne ne soupçonne aujourd’hui. Une espèce d’onde de choc qui va continuer de se propager. Il ne faut pas croire que c’est quelque chose qui va se passer facilement et que demain tout va aller bien, ce n’est pas vrai. Il va y avoir une onde de choc sur les questions économiques et sociales, sur les questions politiques, et sur la souveraineté même du Royaume-Uni parce qu’il va y avoir des entreprises de démantèlement. Nous n’avons pas le temps ici de regarder tout ça dans le détail mais il est évident que ça va ouvrir la porte à tout ça

Deuxièmement, ça aura évidemment des conséquences pour l’Europe et pour l’Union européenne, dire l’inverse serait une sottise absolue. Vous disiez tout à l’heure très justement qu’il n’y avait pas de leadership en Europe, c’est bien ça le problème. A la vérité, cela fait des années que, au fond, président de la République après président de la République, en France, il y a une sorte d’absence. La France est aux abonnés absents de la vision européenne. Quand il n’y a pas une France forte qui porte une vision, un projet, un idéal expliqué au peuple, pensé avec les peuples, alors le projet régresse. Et moi je ne crois pas à des colmatages ou aux replatrages. C’est-à-dire que tout ce qui va être dit, je le crains, dans les heures qui viennent, à mon sens, ne sera pas à la hauteur du défi qui est posé maintenant.

On ne peut pas faire l’Europe sans les peuples, mais la question c’est bien de faire l’Europe. Donc, je pense que cette question de l’Europe, du projet, devrait être au cœur de la campagne présidentielle qui va venir. Je pense que c’est la seule solution, il faut que ce soit au cœur de la campagne présidentielle de 2017. Avec une vraie proposition. Je ne crois pas qu’on puisse régler la question fondamentale du fonctionnement de l’Europe dans les semaines qui viennent. Je crois qu’il va falloir écrire de nouvelles règles, il va falloir penser de nouvelles façons de faire l’Europe. On ne peut pas faire l’Europe sans les peuples.

Troisièmement, j’en viens à la question du référendum. S’il y a enfin des hommes ou femmes politiques du niveau de chef d’Etat qui peuvent définir enfin une vision que nous pouvons proposer aux uns et aux autres, d’une Europe dans laquelle les peuples prennent toute leur part alors, oui, derrière, pourquoi ne pas donner la parole au peuple sur ce projet repensé ?

Je veux ajouter un mot. Le paradoxe de tout cela, c’est qu’on n’a probablement jamais  eu autant besoin d’une Europe qui soit une Europe politique, c’est-à-dire une Europe qui prenne les bonnes décisions aux bons moments, qui soit en capacité d’anticiper les problèmes. Le paradoxe, c’est qu’on a une défiance peuples/institutions, et qu’en même temps jamais les temps n’ont été aussi difficiles, aussi durs, avec autant besoin de réponses efficaces. Que ce soit sur la question économique, sur la gestion migratoire, la crise des réfugiés, sur toutes ces questions nous avons besoin de réponses. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont une responsabilité, pour moi, extrêmement importante. Il faut avoir le courage de dire que nous avons besoin de repenser ensemble un destin commun. Je pense que nous sommes plus forts ensemble que divisés, je pense qu’il vaut mieux reconstruire que démolir, mais je vous dis : il faut faire l’Europe avec les peuples.

Je prends un exemple très concret pour que les gens qui nous regardent comprennent. Quand la France, François Hollande, donne mandat à la commission il y a deux ans – je l’ai dit à l’époque, dans l’indifférence générale – pour dire : vous avez le soutien de la France pour aller négocier un accord commercial avec les Américains, est-ce qu’il y a eu un débat en France ? Est-ce que François Hollande a fait une conférence de presse sur la question ? Est-ce qu’il y a eu un débat à l’Assemblée nationale, au Sénat ? Est-ce qu’il y a eu une concertation avec la société civile pour décider ce que seront nos lignes rouges, ce que l’on veut faire, à quoi on tient essentiellement… Non, il n’y a rien eu !

C’est réalisable ?

C’est super réalisable ! Ca coûte zéro centime d’euro de penser l’Europe différemment, de la faire différemment, mais ce sera long, ce ne sera pas facile. Il faut recréer une intimité entre l’idée européenne et les peuples européens. Pour ça, il va falloir du courage politique, de la lucidité. Ma crainte, je vous le redis, c’est qu’on ne puisse pas vraiment avancer avant le cœur de la campagne présidentielle. En tous les cas, en ce qui nous concerne, nous saisirons ces questions essentielles à ce moment.

L’idée des Européens c’est qu’ils veulent peser sur leur destin ; j’entends cela. J’entends l’idée que nous avons tous envie, nous citoyens, de peser sur notre destin. D’être co-décideurs de notre destin et de notre avenir, c’est cette question qui est centrale.

Est-ce que l’on ne peut pas se dire – comme Michel Rocard il y a quelques jours – que c’est une bonne nouvelle car les Anglais nous ont aussi empêchés d’avancer au niveau de l’UE ?

Je ne crois pas du tout que ce départ du Royaume-Uni est un bon signal. Tous ceux qui disent « c’est bien qu’ils soient partis, on va pouvoir faire du fédéralisme », se trompent. Je veux dire que ce n’est pas la question. Je veux qu’autour de ce plateau, nous réfléchissions pour comprendre ce qu’il s’est passé en Grande-Bretagne, comprendre le signal qui a été émis. Oui l’Europe se fera avec les nations, mais je crois que les chefs d’Etat et de gouvernement depuis des années, se sont montrés incapables de faire face aux crises qu’a connues l’UE.

On a eu la question du Grexit, vous croyez que la réponse a été satisfaisante ? On a eu le problème des réfugiés, vous pensez que ça a été anticipé ? Vous pensez que les réponses données ont été intelligentes, subtiles, appropriées ? Moi je ne le pense pas, il y a eu des négociations unilatérales entre Angela Merkel et la Turquie. Cela n’est pas une bonne chose. Dans la vie, on peut apporter les bonnes réponses si d’abord on fait le bon diagnostic.

Je pense que nos chefs d’Etat ont une responsabilité majeure parce qu’ils n’ont pas été à la hauteur des questions qui se posaient depuis cinq ans. On ne peut pas dire que c’est un pêché originel parce qu’à l’époque c’était justifié, mais à l’origine, les pères fondateurs de l’Europe nous disaient qu’il fallait faire avancer l’Union européenne mais surtout qu’il fallait laisser les peuples de côté parce que c’était une affaire trop complexe, qu’il fallait faire cela entre initiés. Ceci vole en éclat depuis des années et des années. Par exemple, François Bayrou et moi, nous ne cessons pas de le répéter, nous ne pouvons pas faire l’Europe sans transparence, sans démocratie. Il faut retrouver cette intimité, le temps n’est plus de dire que c’est l’affaire de certains et pas des peuples, c’est à contre-sens.

Ce ne sont pas des mots, ni des grandes phrases. Si c’était partagé majoritairement, au moins, on pourrait essayer de tracer une perspective. Il faudra tout reprendre avec ceux qui considèrent que l’Europe est importante. Je ne dis pas que ce sera facile. Ce n’est pas simple, ce sera long. L’Europe, ce n’est pas un rêve.

Il vaut mieux être ensemble à condition d’appliquer les bonnes solutions, de bonnes réponses. La question des réfugiés, cela fait cinq années que je travaille dessus, on aurait dû l’anticiper, on aurait dû la gérer de façon différente. On a un rendez-vous démocratique en France, on a cette chance là, 2017 c’est demain.

Ce n’est pas vrai qu’il n’y a pas de solutions. C’est compliqué mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas le faire. Nous devons mettre au cœur de l’élection présidentielle la reconstruction. Je ne suis pas défavorable au référendum. Je pense qu’un référendum derrière une proposition de reconstruction sera un rendez-vous nécessaire. Faire un référendum demain n’aurait pas de sens.

Demandons-nous : qu’avons-nous besoin de faire ensemble ? Comment on se consacre à l’essentiel ? L’essentiel, par exemple c’est que l’Europe soit un plus au niveau économique et qu’elle n’ait pas qu’une approche comptable.

Comment fait-on cela ?

On le décide, ce n’est pas compliqué ! Simplement, nous n’avons aucun courage, que de la lâcheté. Mettez en place des chefs d’Etat et de gouvernement qui soient un peu plus courageux, un peu plus visionnaires. En 2017, il va y avoir un renouvellement en France, profitons-en !

Est-ce qu’on a trop ouvert l’Union européenne ?

Oui ! Vous savez que j’étais pour l’approfondissement et pas pour l’élargissement. Je pense que l’élargissement a été une erreur historique, et je pèse mes mots. Il fallait approfondir avant d’élargie, l’élargissement a été une fuite en avant. Qu’est-ce que vous voulez décider à vingt-huit autour de la table ?

On a l’impression que c’est une machine bureaucratique incompréhensible…

Oui  et je vous le dis, il faut remplacer la technocratie par la politique. Vous allez me dire « Comment ? », déjà commençons par le dire ! Commençons par exprimer qu’il y a un autre chemin possible. Grosso modo il y a un chemin institutionnel classique, un peu trop techno, il y a de l’autre côté ceux qui veulent uniquement des Etats et une addition d’égoïsmes des Etats, je pense qu’il y a un troisième modèle à inventer. Une troisième voie qui serait coopérative.

Intergouvernementale ?

Non ! Le modèle intergouvernemental ce n’est que les égoïsmes ajoutés des Etats, vous êtes obligés de vous appuyer sur les Etats parce que la démocratie est vécue dans les Etats et il faut que, avec leurs parlements, ils s’approprient la question de l’Europe. Mais vous ne pouvez pas être que dans l’intergouvernemental.

Quels intérêts communs avons-nous ?

La Grande-Bretagne quitte l’Europe parce que la Grande-Bretagne a souhaité depuis le début que l’Europe ne soit qu’un marché, absolument pas un projet politique.  C’est un paradoxe incroyable ! Elle en sort et elle voudrait demain réintégrer le marché. C’est le moment où l’Europe ne doit pas être vue que comme un marché ! Voir l’Europe que comme un marché, qui organise la concurrence, tout ça ne c’est pas fin en soi, je ne donnerais pas ma vie à ça ! La question ce n’est pas tant d’organiser la concurrence que d’organiser la défense des intérêts européens. Les Américains, les Chinois, qu’est-ce qu’ils font ? Tous les grands blocs du monde défendent l’intérêt de leurs concitoyens. Nous ne savons pas défendre nos intérêts. Et quand je dis ça, c’est vu comme quelque chose de transgressif, et bien je transgresse. Quand vous avez des droits de douane en Europe qui sont de l’ordre de 20% au maximum sur certains produits pour certains pays, la Chine par exemple, et que ça peut aller jusqu’à 2000% aux Etats-Unis, moi je dis que nous ne sommes pas obligés d’être plus idiots, plus naïfs que les Américains ou les Chinois. Nous avons des choses à faire ensemble, il faut simplement en exprimer la volonté !

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