Brexit : "Le statu quo en Europe serait mortel. Ayons le courage de repartir d’une page blanche !"

Marielle de Sarnez était cet après-midi l’invitée de France Culture. Regrettant le rôle de bouc émissaire dévolu à l'Europe, elle a pointé du doigt la responsabilité des chefs d'Etat et de gouvernement et a appelé à davantage de courage politique. Retrouvez ici l’ensemble de ses déclarations.

Pour faire l’Europe, il faut du leadership, et il n’y en a pas. On ne peut pas se satisfaire d’un replâtrage ou de déclarations d’intention, et je crains que les réponses ne soient pas à la hauteur. Il faut plus de leadership, il faut de la vision, il faut de la créativité dans la vision, il ne faut pas simplement refaire ce qui a été fait depuis des décennies. Il va falloir penser différemment, penser autrement, je crains qu’il ne faille attendre, de ce point de vue là, la campagne présidentielle qui va s’ouvrir.

(…)

Proposer le statu quo aux peuples ne peut pas fonctionner. Le statu quo est mortel, absolument mortel, il faut évidemment changer les choses. Après, c’est un défi considérable mais c’est un défi qu’il faut relever parce que l’on a plus que jamais besoin de… je n’ai pas envie de dire « refonder », tout le monde le dit ; mais cet idéal européen pour lequel on a envie de donner sa vie, de se donner maximalement, le fait d’être ensemble pour répondre aux grands défis du monde est absolument vital. Mais il faut que l’on change de paradigme, il faut que l’on change de logiciel.

On ne peut plus, comme cela, donner le sentiment que tout cela se fait sans les peuples, ou même quelquefois contre les peuples. J’entendais tout à l’heure François Hollande, ce qu’il a dit était absolument correct mais il a dit « Quand même, l’Europe ça ne va pas ». Ecoutez, ce n’est pas raisonnable, il n’y a pas une décision en Europe, une orientation en Europe qui ne se prenne et qui ne soit validée par les gouvernements et en particulier par le gouvernement français. Il faut arrêter avec cette schizophrénie, il faut avoir le courage d’avoir une vision, il faut avoir le courage peut-être de repartir – j’espère que cela ne va pas vous choquer – d’une page blanche. Il faut que l’on redise à quelques uns ce que nous avons à faire ensemble, pourquoi nous sommes ensemble, pourquoi nous pensons que c’est vital et essentiel d’avancer ensemble. Et après ça, peut-être qu’il faudra ensuite proposer cela aux peuples, moi, je n’ai pas peur des peuples dans cette question européenne.

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Cela va avoir des conséquences extrêmement lourdes. On parlait de l’Ecosse, on a entendu à l’instant parler de l’Irlande du Nord, des frontières entre l’Irlande du Nord et l’Irlande du Sud. Je ne sais pas si l’on mesure ce que cela veut dire chez les Irlandais, c’est quelque chose qui était impossible, donc il va y avoir des basculements, des risques, des décompositions, peut-être une recomposition après.

Je vais redire un mot sur les questions des migrations : cela m’a toujours frappée que l’on parle des migrants, en Grande-Bretagne, alors que ce sont des Européens dont on parle. Tout le monde pense que l’on parle des migrants des pays tiers – vous savez, des pays qui sont en dehors de l’Europe – en fait, on vise des Européens, des gens qui ont décidé avec nous de faire l’Europe, qui ne sont pas venus en Grande-Bretagne pour se reposer ni pour bénéficier des prestations sociales, ils sont venus bosser, travailler, aider aussi à l’économie de la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne en a bénéficié dans son économie, ils travaillent et donc travaillant, ils ont des droits.

Moi, il y a quelque chose qui me frappe tout le temps : c’est que l’on a toujours besoin – et c’est cela que je déteste – d’aller chercher des boucs émissaires. Pour les uns c’est l’Europe, pour les autres c’est les migrants, pour les troisièmes c’est la finance. On doit sortir de ces temps où l’on a toujours besoin d’aller chercher des boucs émissaires parce que ce sont des temps de tous les dangers. La responsabilité des hommes et des femmes politiques c’est de regarder avec lucidité ce qu’il se passe, d’essayer d’apporter des réponses qui dépendent en partie de nous, de notre courage à appréhender les questions, de notre courage à anticiper les bonnes réponses et à prendre les bonnes décisions.

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Je n’ai pas envie de faire de la politique politicienne. Oui, il y a des responsabilités, je pense que les Chefs d’Etat et de gouvernement en Europe, en particulier en France, en Allemagne, dans les pays fondateurs, ont des responsabilités. Je pense qu’ils ont été dans l’incapacité d’apporter les bonnes réponses à toutes les crises qui se sont accumulées depuis des années et que tout ceci n’a pas arrangé les choses.

Mais je voudrais revenir sur la question fondamentale des peuples et des inégalités des peuples. Il y a eu la même chose sur la Constitution en France, on avait entre guillemets laissé parler les élites « Ca va être le oui qui va l’emporter, il n’y a aucun problème ». Nous, avec François Bayrou, on disait « Ecoutez, un document de 500 pages, ce n’est simplement pas possible, vous ne pouvez pas envoyer aux gens chez eux dans une enveloppe un document de 500 pages qui est incompréhensible ». Pensons aussi à la loi El Khomri qui fait 151 pages. C’est toujours une espèce de mal technocratique et rédhibitoire.

Cette question des inégalités, je pense que c’est la question fondamentale. Je pense que cela touche du doigt la question de la mondialisation ou de la globalisation, c’est à dire que dans un monde globalisé, au fond, il y a ceux qui s’en sortent, il y a ceux qui ont une vision ouverte, cosmopolite, qui se débrouillent, pour qui la vie est plutôt douce ; et puis il y a tous les autres pour qui la vie n’est pas douce, pour qui la vie est dure. Ceux-ci ont le sentiment que les gouvernants nationaux et européens ne sont pas de leur côté, ils ont le sentiment que les gouvernants nationaux et européens sont, au fond, du monde de la mondialisation, du monde qui se retrouve à l’aise entre soi dans la globalisation. C’est cela qu’il faut changer, c’est ce logiciel là qu’il faut complètement inverser. C’est là où est le paradoxe parce que c’est exactement là où on aurait besoin de réponses européennes, notamment pour protéger et pour défendre les intérêts des européens, des entreprises, des salariés, des travailleurs.

C’est la député européenne qui vous le dit. On a des pays, des grands blocs comme les Etats-Unis, qui se protègent, par exemple, vis à vis du commerce – on va dire chinois pour aller vite, c’est une question que je connais bien. Il y a même des droits quelques fois, jusqu’à 2000%. Chez nous, non ; quand je dis qu’il faut défendre les intérêts des européens, on me regarde avec de grands yeux en disant : « Comment ? Mais enfin il faut faire la concurrence ». Non, l’Europe devrait aussi être là pour défendre les intérêts européens. Je dis cela matin, midi et soir. Et je le dis aussi, d’ailleurs, aux dirigeants français.

Deuxième exemple : sur la question du droit d’asile et des réfugiés,  est-ce que cela a été bien géré ? Non. Cela n’a pas été bien géré. Est-ce qu’il fallait accueillir les réfugiés syriens en Europe ? La réponse est oui. Mais est-ce qu’il fallait le faire comme cela a été fait ? La réponse est non. On voit bien que sur toutes ces questions l’Europe, les chefs d’Etat et de gouvernement, ont une responsabilité pour hier et que, maintenant, il est vital pour demain d’apporter des réponses à ceux qui, au fond, ne sont pas heureux dans la mondialisation ; et ils sont de plus en plus nombreux. C’est cela la responsabilité des femmes et des hommes politiques : c’est de garder l’idée que, ensemble c’est mieux, unis nous sommes plus fort, et que, oui, il faut être solidaire mais que l’on est là aussi pour défendre l’intérêt des peuples.

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Il y en a qui se réjouissent pour de bonnes ou de mauvaises raison, il y en a qui disent « La Grande-Bretagne n’est pas là, c’est super, on va pouvoir s’organiser, avancer vite et fort ». Ceci est une illusion. Je pense qu’il ne faut pas de statu quo, pas de replâtrage et ne pas faire comme si rien ne s’était passé. Oui, faisons-peut-être des choses à quelques uns, mais changeons de modèle, rénovons la pensée européenne, posons les choses de façon différente.

Réécrivons un texte d’orientation, une charte nouvelle d’une dizaine de pages qui dise qui est là, qu’est-ce que l’on peut faire ensemble, comment on veut le faire ensemble. Inventons un modèle nouveau. Au fond, on a d’un côté un modèle, disons bruxellois pour aller très vite, technocratique, de gestion du marché, qui n’est pas assez politique ; de l’autre on a ceux qui promeuvent les Etats nations et donc le risque c’est égoïsmes nationaux. L’addition d’égoïsmes ne fait pas une vision, ne fait pas une solidarité, ni une puissance. Or, on a besoin d’une Europe puissance, qui soit une puissance tranquille, pas une agressive.

Mais si on pense que l’on va répondre aux défis du monde en étant chacun à se séparer avec plus de divisions, plus de déconstructions, on se trompe. Il va falloir reconstruire il va falloir le faire de façon différente. Il va falloir, au fond, une révolution démocratique, il va falloir du leadership européen pour porter cette révolution démocratique. J’ai une crainte : c’est qu’aujourd’hui le Président de la République française, et même Madame Merkel n’aient pas le leadership nécessaire. Donc, je vous dis très rationnellement que je pense que cette question devra être centrale dans la campagne présidentielle qui va s’ouvrir. Nous allons avoir encore des déstabilisations. Peut-être en Italie, Matteo Renzi fait un référendum et a dit qu’il partirait si la réponse était négative. On va aussi avoir le vote en Espagne, peut-être que le Partido Populare va gagner mais il n’aura pas de majorité pour gouverner. Bref, nous allons être dans des moments difficiles, il va falloir tenir, il va falloir du sang froid, il va falloir de la volonté d’avancer.

 

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