Discours de politique générale de François Bayrou, Premier ministre, à l'Assemblée nationale

Retrouvez le discours du Premier ministre, François Bayrou, prononcé à la tribune de l'Assemblée nationale ce 8 septembre 2025 lors d'une session parlementaire extraordinaire.

Seul le prononcé fait foi.

 

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les députés,

Cette épreuve de vérité, comme chef du gouvernement, avec l’assentiment du Président de la République, je l’ai voulue.

J’ai voulu ce rendez-vous. Et certains d’entre vous, les plus nombreux, les plus sensés sans doute, ont pensé que c’était déraisonnable, que c’était un trop grand risque.

Or je pense exactement le contraire. Le plus grand risque était de ne pas en prendre, de laisser se continuer les choses sans rien changer, de faire de la politique comme d’habitude, de faire durer sans prendre les décisions courageuses qui s’imposent, jusqu’au moment où l’irréparable est là, où l’on arrive au bord de la falaise.

Ce dont nous traitons aujourd’hui, ce n’est pas une question politique, c’est une question historique.

Les questions politiques, ce sont celles qui concernent les partis, le pouvoir, les gouvernants, les rivalités des uns avec les autres. Les questions historiques ce sont celles qui concernent les peuples et les nations.

Les questions politiques, ce sont celles qui concernent les adultes qui se disputent, les questions historiques, ce sont celles qui concernent les enfants et le monde que nous leur construisons.

Les questions politiques, ce sont des questions pour la prochaine élection. Mais les questions historiques ce sont des questions pour la prochaine génération.

Des questions pour demain qui se jouent aujourd'hui.

Les grandes questions du pays

Tous nous savons que notre pays, au-delà de l’orientation décisive qui doit se trancher aujourd’hui, se trouve devant un immense champ de questions qui vont appeler dans les années qui viennent à des changements profonds.

En cinq minutes je veux citer les plus graves.

Nous sommes devenus depuis l’an 2000, un pays qui produit moins que les autres, moins que nos voisins. Notre retard de production sur nos voisins les plus proches, sur nos voisins allemands ou belges, mesuré par le chiffre du PIB par habitant, est de 15%, sur nos voisins néerlandais de plus de 30%. Et ce malgré les efforts faits ces dernières années sur la création d’entreprises, sur l’emploi, sur l’investissement avec France 2030.

Imaginez ce que seraient nos revenus familiaux et les ressources de l'État si nous avions 15 ou 30% de plus à partager, nos salaires de 15 ou 30% plus élevés, les ressources de l'État de 15 à 30% plus abondantes. Si nous avions la production de nos voisins, la France n’aurait aucun problème de déficit, elle n’aurait pas de problème de dette. La production, c’est donc notre urgence nationale.

Parallèlement, et pas sans lien, nous sommes devant un immense problème d’éducation nationale. Notre école, notre collège, notre lycée, nos universités, jadis autant d’exemples pour la planète entière, aujourd’hui déclassés, avec une chute sur la maîtrise des fondamentaux, sur l’écrit, sur la lecture, sur la langue, sur l’arithmétique élémentaire, des difficultés sur l’orientation, trop précoce, trop angoissante, trop mécanique, et n’assurant pas la promesse républicaine : égalité des chances d’où qu’on vienne, et s’il le faut, deuxième chance, troisième chance !

Nous sommes devant une immense question de modèle social. Inventé il y a 80 ans, sous l’inspiration du Conseil National de la Résistance et aujourd’hui déficitaire, déstabilisé par la démographie, par le vieillissement des Français, par le déséquilibre du système de retraites.

Nous sommes devant une immense question de logement, logement des familles, parcours de la location à la propriété pour ceux qui le souhaitent, depuis le logement des jeunes, des étudiants, jusqu’au logement d’urgence. Modèle à réinventer.

Nous sommes le pays du monde qui a le mieux identifié l’enjeu écologique, le développement durable, la production décarbonée, c’est une fierté, mais en un temps où cet enjeu est battu en brèche un peu partout sur la planète, c’est un défi de mobilisation générale.

Nous sommes devant une immense exigence et une inquiétude, liées à la sécurité, à la sécurité de tous les jours, au respect de l’intégrité des biens et des personnes. Et nous savons que cette inquiétude, c’est d’abord celle des plus fragiles. Sécurité et justice, les deux faces de notre premier devoir d’État.

Nous sommes devant la question que les migrations posent à nos pays et à nos sociétés, migrations liées aux différences de développement, à la misère chez les uns avec une démographie expansive, à l’abondance chez les autres avec une population déclinante, sans compter la déstabilisation climatique. Avec deux obligations, contrôler et maîtriser les arrivées, et intégrer ceux qui sont et seront là, les intégrer, dans ma conviction, par le travail, par la langue, par l’engagement à respecter nos principes de vie.

Et je dois ajouter l’aménagement du territoire dans l’hexagone, avec des déséquilibres entre les métropoles et les déserts français. Transport, équipement, centres de décision, les territoires sont en demande, et on souvent l’impression que nul ne les entend.

Et nos outre-mer avec des enjeux de vie quotidienne et de destin, dont nous savons qu’ils doivent être totalement réinventés et que le gouvernement a saisis dès son installation.

Tout cela est immense et urgent, magnifique cathédrale à reconstruire pour un peuple qui le mérite, un peuple avec des capacités à nulle autre pareilles, premier rang dans le monde pour les sciences fondamentales, pour les mathématiques, pour la physique, pour la chimie, pour la génétique, pour la pharmacie, et pour les technologies, pour le quantique, pour l’algorithmique, pour la robotique ! Premier rang dans le monde à l’égal des empires, pour le spatial, pour l’aviation, pour les hélicoptères, pour la construction navale, pour les sous-marins, pour les centrales nucléaires. Mais une économie qui ayant conquis les sommets doit reconstruire les camps de base, rééquilibrer son commerce extérieur, de l’agriculture, de l’industrie, de l’automobile, où nous avons des atouts, à l’équipement de la maison dont nous sommes presqu’absents.

La question vitale

Mais tout cela est aujourd’hui soumis à la question dont tout dépend, à la question vitale, d’urgence vitale, je veux dire où notre pronostic vital est engagé, dont dépend notre État, notre indépendance, nos services publics, notre modèle social, la question de la maîtrise de nos dépenses, la question du surendettement.

Votre soutien, l’accord minimal sans lequel je ne pourrai pas poursuivre ma mission, je le demande à l’Assemblée nationale sur un seul point mais décisif : le constat de la situation du pays.

La France n’a pas connu de budget en équilibre depuis 51 ans. Depuis 51 ans, tous les ans, les dépenses s’accroissent, les déficits se répètent et les dettes s’accumulent. Tous les ans, nous dépensons plus que nos ressources de l’année, et souvent beaucoup plus.

Cela se justifie bien sûr quand il faut passer des crises. La crise des subprimes, crise financière mondiale sous Nicolas Sarkozy, et l’incroyable succession de coups du sort depuis 2020, Covid, guerre en Ukraine, crise énergétique, inflation, et menaces en tout genre.

Mais nous ne revenons jamais en arrière. C’est devenu un réflexe. Pire encore, une addiction. Les dépenses ordinaires du pays, les dépenses pour notre vie de tous les jours, pour les services publics, pour les retraites, pour rembourser nos feuilles de sécu, nous avons pris l’habitude de les financer à crédit ! Donc dépassement systématique de dépenses !

Chaque année, pour acquitter chaque euro de dépassements de dépenses, il a fallu emprunter, comme un ménage ou une entreprise empruntent à la banque quand ils ont un déficit. Un euro de déficit, c’est un euro de dette supplémentaire. Et l’addition des déficits, par milliards tous les ans, nous a conduits à une écrasante accumulation, 3415 milliards d’euros de dettes à l’heure précise où nous parlons.

Cette accumulation a un prix, c’est la ponction que le service de la dette représente tous les ans, ce qu’il faut payer aux créanciers pour les intérêts et la part de capital qu’on doit rembourser.

Et cela on est obligé de l’acquitter ! Sinon c’est la banqueroute. Si on ne le faisait pas, on ne trouverait plus à emprunter un centime. Or nous ne pouvons pas vivre sans emprunter, ni pour payer les fonctionnaires, ni pour les retraites, ni pour la sécu. Ni pour remplir nos obligations d’emprunteurs.

D’ores et déjà, nos obligations de remboursement annuel, intérêts et part à rembourser du capital, dépassent et de loin ce que notre pays produit en plus chaque année par sa croissance, par ses progrès, en plus de l’année précédente.

Il faut avoir les chiffres précis en tête parce que ces chiffres ne sont nullement abstraits, ils disent une chose évidente et que nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer. Chaque année, à notre rythme annuel de croissance et d’inflation, chaque année la France produit un peu plus que l’année précédente, pour un montant de 50 milliards d’euros environ.

Face à ces 50 milliards en moyenne de richesses produites, en 2020, les annuités qu’il nous fallait verser représentaient environ 30 milliards par an. En 2024, c’était 60 milliards. Cette année, 67 milliards. L’année prochaine, en 2026, 75 milliards. L’année suivante, 85 milliards. À la fin de la décennie, dit la Cour des Comptes, 107 milliards.

50 milliards créés par le travail, plus de 100 milliards transférés à nos créanciers. Le double ! Autrement dit, tout le travail, l’inventivité du pays pour progresser, pendant une année, tout ce progrès, que nous voulons pour les nôtres, pour nos enfants, est entièrement reversé à nos créanciers ! Et la majorité de nos créanciers sont étrangers. Dépenses obligatoires et totalement improductives. Pas un emploi de plus, pas un service amélioré. Pas un équipement mis en place. Notre pays travaille, croit s’enrichir, et tous les ans s’appauvrit un peu plus.

C’est une silencieuse, souterraine, invisible et insupportable hémorragie.

Si c’est insupportable, on ne doit pas le supporter. C’est le sens de la déclaration du gouvernement devant l’Assemblée nationale.

Comme capitaine du navire, informé de la voie d’eau qui s’élargit sans cesse, du flot qui envahit nos cales, je dis que notre devoir est d’abord, tout de suite, de nous mettre à l’étancher ! Nous devons nous y mettre tous !

Alors on me dit, ce n’est pas urgent, ça peut attendre, vous êtes trop impatient, vous voulez aller trop vite, le bateau flotte encore, il ne faut pas troubler les passagers et l’équipage !

Là est la confrontation des points de vue, là est la prise de responsabilité de chacun.

Je dis au contraire que si nous voulons la sauvegarde du navire sur lequel nous sommes et sont nos enfants, il faut agir sans retard, et que ce n’est pas hors d’atteinte. Cela demande seulement la mobilisation de tous, et un effort modéré de chacun si on s’y prend à temps.

Mais il convient même brièvement d’élargir l’analyse, de dépasser les conséquences sur la vie des Français, et d’envisager, je veux le faire devant vous, ce que seraient les conséquences sur le destin de la France.

Nous tous, d’où que nous venions, nous sommes les héritiers de la France. C’est ce destin unique entre les peuples, d’une puissance moyenne par le nombre de ses habitants, mais à vocation universelle, qui nous fait ce que nous sommes.

Et aujourd’hui, le destin de la France, notre mère patrie, notre nation inscrite dans l’histoire, se trouve menacé par nos quotidiennes impérities.

Pour une nation, la question de l’influence est vitale, la capacité à faire rayonner des valeurs. Nos valeurs, françaises et universelles, partout menacées, les droits de l’homme, et d’abord le droit des femmes, le droit au respect et à la liberté des femmes, le droit des enfants, le droit à la liberté et au respect de la vie privée, le droit à la libre opinion, à la libre conviction, le droit à la libre religion, à la libre philosophie, le droit à se former, cet ensemble de droits comme il n’y en eut jamais, dans aucune société, depuis que le monde est monde, tout cela qui le défend sinon la France ?

Et comment la France peut-elle défendre cet ensemble de valeurs, lui donner sens avec et par l’Union européenne, si elle s’avère faible, si elle a perdu la crédibilité de sa souveraineté ?

Nous ne sommes pas, à cet instant, défenseurs de nos seuls intérêts, de notre santé, de notre prospérité ! Nous sommes les défenseurs menacés d’un bloc de valeurs lui aussi menacé. De notre capacité à l’indépendance et à la souveraineté dépend notre capacité d’influence. Du respect que la France impose aux autres, dépend le respect qu’on portera à ses valeurs.

La soumission à la dette, c’est comme la soumission par la force militaire. Dominés par les armes, ou dominés par nos créanciers du fait d’une dette qui nous submerge, dans les deux cas nous perdons notre liberté.

Et dans les deux cas, il ne tient qu’à nous de nous émanciper, de retrouver le chemin de la liberté. Cela ne demande qu’un effort sur nous-mêmes !

C’est pourquoi la France a sous l’autorité du Président de la République, et par le vote de ses parlementaires, choisi un plan d’équipement de ses armées, de ses hommes et de ses matériels, la loi de Programmation militaire. Cette loi, vous le savez, il est nécessaire non seulement de la respecter mais de l’abonder par des investissements complémentaires décidés en raison des dangers de toute nature auxquels notre pays et notre continent sont exposés.

Ces investissements complémentaires nécessaires sont inscrits, pour 3 milliards supplémentaires dès cette année, dans le plan présenté aux Français au mois de juillet.

Et c’est pourquoi, de la même manière, le gouvernement propose au pays un plan pour aller vers le désendettement, pour que la France échappe en peu d’années à l’inexorable marée de dettes qui la submerge ! En quatre années, et c’est un délai raisonnable dans la vie d’un pays et de ses habitants, ce n’est pas que nous n’aurons plus de dettes, mais la dette n’augmentera plus !

Voilà le plan. Atteindre en 2029 le seuil de 3 % de déficits publics annuels, seuil à partir duquel la dette n’augmente plus.

Et si la dette n’augmente plus, alors le travail des Français, leur inventivité, leur créativité, leur confiance retrouvée remettront le pays à flots et plus vite qu’on ne croit.

Tout nous y invite, les technologies d’un monde qui va de révolution en révolution, l’intelligence artificielle, notre créativité intellectuelle, culturelle, artistique et notre recherche. Si nous nous libérons de ces chaînes qui nous entravent, alors tous les épanouissements seront ouverts aux Français d’aujourd’hui et aux générations qui viennent. Tout est prêt, tout est en germe. Ne manque que la détermination de ceux qui veulent en sortir.

Les jeunes premières victimes du surendettement

Cela oblige à des efforts, mais des efforts modérés, des efforts qu’un pays doit considérer supportables. Dépenser un peu moins que ce qui était attendu ou programmé. Freiner les dépenses, les étaler dans le temps. Mais affirmer devant nos concitoyens et à la face du monde que si personne ne sera abandonné, ce sont d’abord et avant tout les jeunes dont nous devons nous occuper.

J’ai été frappé des messages que j’ai reçus pour avoir évoqué les plus jeunes, et le poids qui pèse sur leur génération.

Ils portent et vont porter, pendant vingt ou trente ans, ou davantage encore, le poids des milliers de milliards des dettes que leurs aînés ont contractées et qu’ils vont, eux, devoir endosser. Pas contractées pour équiper le pays pour ces jeunes, pas décidées pour leur avenir ! Des milliers de milliards de dettes consacrées à éponger les dépenses courantes, de la vie de tous les jours, qu’un pays normal devrait assumer à chaque génération pour son compte !

Depuis des décennies, sur ce point, nous avons rompu le contrat de confiance entre générations qui est la base du contrat social. J’ai été frappé de vérifier combien les plus jeunes se sentent génération sacrifiée, « nous n’aurons pas de retraite ! La retraite ce ne sera jamais pour nous ! » Le double enjeu qu’ils rencontrent et souvent le double échec dans la recherche du travail et la recherche du logement dans certaines villes et certaines régions, notamment du logement étudiant.

Génération qui ne se voit pas d’avenir commun. Cette situation est insupportable du point de vue démocratique, insupportable du point de vue civique, autant que du point de vue moral.

La prise de conscience, c’est aussi celle-là. Que les plus avancés en âge unissent leurs efforts pour alléger la dette que les plus jeunes devront acquitter ! Ne leur dites pas que vous les aimez, que vous veillez sur eux, si vous faites semblant d’ignorer la charge écrasante accumulée sur leurs épaules ! 

Aveuglement et simplismes

J’ai parlé de prise de conscience. Ayant vécu ces derniers mois dans cet exercice inédit, je crois sans précédent, de transparence entre citoyens, j’ai vu la puissance des forces qui veulent qu’on continue à fermer les yeux.

Même s’il y a un fait nouveau. Depuis quelques semaines, la première phrase de ceux-là est devenue : « nous ne nions pas la situation ! » Mais ils ajoutent aussitôt : « nous sommes en désaccord avec la méthode, avec les décisions prises, avec le rythme du désendettement, avec l’identification des causes, et nous combattrons tout cela de toutes nos forces. Et c’est pourquoi nous voulons faire tomber le gouvernement qui nous invite à l’effort. »

Les uns disent (et ne croyez pas que j’ignore l’efficacité du discours) : ce sont les immigrés qu’il faut mettre à contribution, ce sont les étrangers qui sont la cause de tout, c’est auprès de ceux-là que nous gaspillons notre argent et qu’il faut taper dans la caisse. Ou bien de la part des mêmes : c’est l’Europe, nous nous ruinons à respecter nos engagements ! Vingt milliards là, dix milliards ici, vous voyez que c’est facile.

Je suis d’accord, je l’ai dit, pour qu’on vérifie, mesure par mesure s’il y a des anomalies, des injustices au détriment de nos compatriotes. J’ai pris la décision d’intervenir à ce sujet sur l’aide médicale d’État pour faire entrer dans la norme le rapport présenté par Claude Evin et Patrick Stefanini, et j’ai été reconnaissant qu’ils rappellent que c’est le premier gouvernement qui prend en compte leur rapport depuis deux ans qu’il a été déposé. Mais j’ai entendu des voix qui disaient : « ça me soulève le coeur ! »

Mais en tout état de cause, l’addition des économies est très loin de représenter un ordre de grandeur à la dimension du problème.

Ou bien, autre discours, ce sont les riches qu’il faut faire payer ! Et là encore je ne sous-estime pas l’efficacité du discours ! Bernard Arnault et ses semblables sont devenus les cibles emblématiques d’une pensée magique, ils sont comme ces poupées vaudous dans lesquelles on plante des aiguilles pour leur faire mal et les atteindre j’imagine au portefeuille.

On m’accordera que je ne suis ni un défenseur attitré ni un stipendié de ces réussites, Mais je n’oublie pas ce qu’elles font tous les jours pour le pays, les 40 milliards d’excédent du commerce extérieur dans le secteur du luxe, la valorisation de l’image de la France qui contribuent à l’industrie comme au tourisme, les dizaines de milliers d’emplois. 

On nous dit : il suffit de leur prendre ce qu’ils ont, ou une large part de ce qu’ils ont, ou chaque année 2% de ce qu’ils ont et les problèmes de la France seront réglés.

On oublie deux choses essentielles : la première est qu’un pays comme le nôtre a besoin d’investisseurs. Le 1 % des plus hauts contribuables assume une large part de l’investissement privé dans l’appareil productif en France.

Et on oublie une deuxième conséquence : dans le monde de frontières ouvertes où nous vivons, ceux qui sont ciblés ont une réplique très simple et très immédiate. Ils déménagent ! Ils ont pléthore de pays pour trouver un refuge fiscal : le Luxembourg, la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas pour les entreprises. Demandez à nos voisins britanniques. Ils ont décidé de taxer les étrangers qui étaient depuis des années exonérés de fiscalité. Ceux-là ont déménagé, la conséquence : le prix de l’immobilier a explosé… à Milan.

Mentionnons au passage que ce type de fiscalité est interdit par le Conseil constitutionnel qui l’a depuis longtemps déclaré confiscatoire et donc inconstitutionnel !

Mais je réaffirme ici qu’il conviendra de trouver un type de contribution qui fasse que les très hauts revenus et les très hauts patrimoines soient appelés à participer spécifiquement à l’effort national. Et qu’un travail en profondeur soit conduit pour éviter que soient mis en place ou que se perpétuent des stratégies d’optimisation fiscale manifestement anti-égalitaires, et bien que juridiquement correctes, moralement discutables.

Les solutions de facilité, celles qu’on vend aux Français à longueurs de discours, ne suffiront jamais.

Notons au passage qu’entre ceux qui affirment « nous allons instituer 20 ou 30 milliards d’impôts nouveaux » et ceux qui stipulent « pas un euro d’impôts supplémentaires », entre ceux qui disent « nous allons prendre les ressources dépensées pour les étrangers » et ceux qui déclarent qu’ils s’y opposeront « jour et nuit et jusqu’au bout », la conjonction des forces qui annoncent qu’elles vont additionner leurs voix pour faire tomber le gouvernement, c’est un tohu-bohu qui se prépare pour la France.

Et pardonnez-moi de le rappeler à ce moment, le problème, la menace, le risque pour la France demeurera entier ! 

Parce que Mesdames et Messieurs les députés, vous avez le pouvoir de renverser le gouvernement, mais vous n’avez pas le pouvoir d’effacer le réel.

Le réel demeurera inexorable, les dépenses continueront d’augmenter, et le poids de la dette, déjà insupportable, sera de plus en plus lourd et de plus en plus cher !

Il n’y a donc qu’un chemin pour que notre pays s’en sorte, aujourd’hui, comme dans les années 50 quand le général de Gaulle et un peu plus tôt Pierre Mendès-France affirmaient tous les deux pour l’un qu’un « pays qui n’est pas capable d’équilibrer ses finances publiques est un pays qui s’abandonne » et pour l’autre « je refuse que l’équilibre des finances publiques se fasse par l’accroissement chronique de la dette ! »

C’est la question précisément qui est posée aujourd’hui.

Un chemin pour l’avenir

Mesdames et Messieurs les députés, dans cette démarche inédite qui vise à mettre tous les parlementaires face à leur responsabilité propre, personnelle, humaine, tous ceux qui voient bien que quelque chose ne va pas, même s’il est plus commode d’ignorer cette évidence, dans cette démarche, il y a une certaine idée de la démocratie, et du gouvernement d’un peuple.

J’ai choisi de m’adresser à vous comme si le destin n’était pas écrit. Comme si la réponse de l’Assemblée nationale à l’engagement de responsabilité n’avait pas été annoncée à cors et à cris, sur tous les tons et toutes les antennes, de la part du plus grand nombre des groupes de cette Assemblée.

Je m’adresse à vous en prenant nos principes au pied de la lettre, principes énoncés à l’article 27 de la Constitution : « Le droit de vote des membres du Parlement est personnel ». Ce qui veut dire qu’en principe, les mots d’ordre n’ont pas leur place ici. Ce qui a sa place ici, c’est la conscience personnelle de chacun des députés de la nation.

Tous les partis politiques qui ne font pas partie du gouvernement ont annoncé leur décision de renverser ce gouvernement, exploit tout relatif, puisque ce gouvernement est sans majorité, ni majorité absolue, ni majorité relative. Gouvernement dont la chute irrévocable était annoncée depuis la première minute de son existence.

Ici, une précision. J’ai une haute idée des mouvements politiques. Je me suis engagé quand j’avais à peine plus de vingt ans, dans celui auquel j’adhère encore aujourd’hui. Je ne l’ai jamais quitté. Je l’ai défendu quand nous n’étions qu’une poignée à y croire encore. Je l’ai porté envers et contre tous, et je suis fier de la génération de responsables qui m’entourent aujourd’hui. Et je suis certain que sur beaucoup de ces bancs, le même sentiment d’intime fidélité et de fierté avec le parti auquel ils adhèrent est partagé.

Mais les partis politiques ont aussi un défaut fondamental, qu’a si précisément vu, y compris à son détriment, le général de Gaulle : c’est que leur logique toujours les conduit à la division.

C’est une malédiction, que nous vérifions à cet instant. Notre pays a le plus urgent besoin de lucidité, il a le plus urgent besoin d’unité. Et c’est la division qui menace de l’emporter, qui menace son image et sa réputation.

Les forces politiques qui annoncent qu’elles vont faire tomber le gouvernement, ce sont les forces politiques les plus opposées entre elles, celles qui se désignent comme ennemies, celles qui sont incompatibles par les idées autant que par les arrière-pensées !

Ce qu’elles préparent, si leur logique de division l’emporte, je l’ai déjà dit c’est le tohu-bohu, le désordre où chacun hurle dans son coin et dont rien de bon ne peut sortir.

Le gouvernement, par ma voix, engage devant vous sa responsabilité.

Ce qui signifie que, par ma voix, à la tribune, il dit : Mesdames et Messieurs les députés, le problème dont nous vous saisissons, comme représentants de la nation, nous paraît si grave, il implique si profondément chacun de nos concitoyens, qu’il requiert votre soutien.

Sans un soutien minimal de la part des Français, représentés ici par leurs députés, l’action exigeante et courageuse qu’il implique n’a aucune chance de pouvoir s’imposer.

Et s’il n’y a pas ce soutien minimal, cette entente minimale entre les grandes sensibilités du pays, sur le constat et sur l’impérieuse trajectoire de redressement, alors l’action du gouvernement serait vouée à l’échec, et pire encore, elle n’aurait pas de sens.

S’il s’agit de faire semblant, de ménager la chèvre pour obtenir le chou, de se rendre aux logiques de marchandages et de divisions, de dissimuler l’essentiel pour communiquer sur le secondaire, en sachant qu’on continue la marche vers l’accident, je ne serai pas l’homme d’une telle politique.

Je crois aux compromis, mais aux compromis qui respectent l’essentiel. La vérité des hommes et des choses, la hiérarchie des ordres et des urgences.

Je crois aux compromis qui ne se construisent pas sur l’ambiguïté. 

Requérir le soutien du pays pour agir, c’est pour moi l’article Ier du contrat démocratique. Dans des domaines aussi sensibles, je n’ai jamais cru à l’épreuve de force. Je crois à la conviction partagée. Et je crois qu’il convient de vérifier cet accord de fond auprès des Français ou de leurs représentants chaque fois que nécessaire.

Ma conviction c’est qu’au fond, au point où nous en sommes arrivés, il ne reste plus que deux chemins.

Le chemin dans lequel sur toute la planète le monde bascule, le chemin qui considère que la destinée des peuples, c’est d’obéir, et que pour que s’instaure cette logique autoritaire, contre le Droit des peuples et le Droit de l’homme et du citoyen, tous les coups sont permis, la fin justifie les moyens. Notamment l’utilisation de tous les conflits, de toutes les mésententes, de toutes les calomnies, qu’il convient de faire flamber.

Et vous voyez sans peine, de l’Est lointain à l’Ouest qu’on croyait proche, combien cette conception au bulldozer, la loi du plus fort, le rapport de forces brutal paraît s’imposer ! Sous les applaudissements des uns et le découragement des autres.

Et nous, nous sommes là pour ranimer l’autre projet. Le projet même de la démocratie qui considère plus juste, plus intéressant, plus fructueux, de respecter le citoyen, même minoritaire, et de le considérer comme partenaire et coresponsable de son propre destin.

Cette démarche, cette méthode, fait de la vérité partagée avec les Français son arme suprême.

Cette démarche, cette méthode, elles conduisent à l’unité du pays et elles écartent la malédiction de la division perpétuelle.

Le philosophe et militant Marc Sangnier qui siégea dans votre Assemblée, deux fois, après la première guerre mondiale et après la deuxième a défini ce projet de démocratie : « la démocratie est l’organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen »

La conscience, c’est-à-dire la plus juste, la plus lucide compréhension des choses et des événements. Et la responsabilité, c’est-à-dire l’engagement.

Nous, citoyens, ne sommes pas là pour être condamnés soit à obéir, soit à la révolte. Nous sommes là pour prendre notre part du destin, les yeux ouverts, et la vérité comme boussole.

Nous sommes un peuple qui s’interroge, non pas seulement sur son avenir, sur l’avenir du monde et de la planète, mais sur le chemin que l’on peut emprunter pour construire cet avenir. 

Ce que dit le moment que nous vivons, c’est qu’il y a un chemin, et un seul pour la France : celui de la vérité partagée, et du courage.

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